En 1971, 78 ans après la Nouvelle-Zélande, 53 ans après l’Allemagne, 25 après la France, la Suisse accordait le droit de vote et d’éligibilité aux femmes. Sensible aux questions d’égalité et de genre, la Fondation PROFA salue la persévérance des pionnier·ère·s et saisit l’occasion de revenir, en quelques dates-clés, sur cette mobilisation de plus d’un siècle. 

1848: Où sont les femmes?

La nouvelle Constitution fédérale garantit à tout Suisse un droit de vote et d’éligibilité général et direct. Cependant, les femmes ne sont pas concernées.

1868: Les zurichoises montrent la voie

Les Zurichoises osent lancer la première initiative parlementaire visant à obtenir le droit de vote des femmes. En vain.

1893: Au tour des ouvrières

La Fédération suisse des ouvrières revendique officiellement le droit de vote et d’éligibilité des femmes.

1904: Femmes à bâbord

Le Parti socialiste (PS) est le premier parti à se préoccuper de la cause féminine.

1909: La résistance s'organise

Plusieurs associations pour le droit de vote des femmes forment l’Association suisse pour le suffrage féminin (ASSF).

1918: deux motions dans un tiroir

En 1918, deux motions pour le suffrage féminin sont déposées au Conseil national. Elles sont transmises au Conseil fédéral, mais sous forme de postulats. Le gouvernement les laissera dans un tiroir.

1929: près de 250'000 signatures à la poubelle

L’ASSF remet à la Chancellerie fédérale une pétition, munie de 249’237 signatures (78’840 hommes, 170’397 femmes) récoltées par les associations féminines, le PS et les syndicats. Cette pétition, même relayée par le Parlement, restera lettre morte.

Années 30: les femmes renvoyées en cuisine

Les revendications pour le suffrage féminin sont mises à mal par la crise économique. Avec le renforcement des tendances conservatrices et fascistes, la femme au foyer devient un modèle de société.

1951: On ne se mouille pas

Alors qu’en Europe, les femmes qui se sont engagées massivement durant la Deuxième Guerre mondiale obtiennent peu à peu le droit de vote, les Suissesses ne sont pas récompensées de leurs efforts. Plusieurs cantons refusent d’introduire le suffrage féminin, et le Conseil fédéral estime dans un rapport de 1951 qu’une votation fédérale sur le sujet est prématurée.

1957: Le Conseil fédéral cède à la menace

En pleine guerre froide, le gouvernement souhaite introduire l’obligation pour les femmes de servir dans la protection civile. C’en est trop pour l’ASFF, la Ligue suisse des femmes catholique et l’Alliance des sociétés féminines suisses (ASF) qui montent alors aux barricades. Comment le Conseil fédéral pourrait-il imposer aux femmes de nouvelles obligations alors qu’elles ne disposent toujours pas de droits politiques? La controverse publique menace le projet de protection civile et le Conseil fédéral présente en 1957 un projet de votation sur le suffrage féminin.

1959: c'est non!

Les électeurs par 654’939 voix (66,9%) contre 323’727 (33%) le droit de vote aux femmes. Seuls trois cantons (Genève, Neuchâtel et Vaud) l’acceptent et l’introduisent dans la foulée au niveau cantonal et communal. Bâle-Ville l’introduit en 1966.

1968: nouveau scrutin

Le Conseil fédéral envisage de signer la Convention européenne des droits l’homme, sans se soumettre à la clause concernant les droits politiques féminins. Face à la protestation massive des associations féminines, le gouvernement suisse organise un nouveau scrutin sur le suffrage féminin.
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1984: six sages et une femme

Elisabeth Kopp est première femme élue au Conseil fédéral.

1988: naissance de la femme libre

Lors de la révision du droit matrimonial, la disposition selon laquelle l’homme est le chef de famille et la femme responsable des tâches ménagères disparaît. Les femmes peuvent désormais ouvrir un compte bancaire ou exercer une activité lucrative sans l’accord de leurs époux.

1990: introduction du suffrage féminin au forceps pour Appenzell Rhodes-Intérieures

Le Tribunal fédéral interprète la Constitution d’Appenzell Rhodes-Intérieures en faveur des droits politiques des femmes et impose au dernier canton réfractaire du pays d’introduire le droit de vote et d’éligibilité des femmes.

Aujourd'hui: de rares exceptions autour du monde

Au Brunei et en Arabie saoudite, il n’y a pas d’élections nationales, et les femmes tout comme les hommes ne disposent d’un droit de vote que pour les élections locales.

Aujourd’hui, seul le Vatican ne connaît pas le suffrage féminin, pour une raison bien simple: l’accès au collège électoral (le Conclave) est réservé aux cardinaux et comme l’Église catholique romaine n’ordonne pas de femme, elles sont de facto privées du droit de vote.

Sources
Parlament.ch (le site de l’Assemblée fédérale)
Wikipédia